« Pourquoi roulons-nous ? » ( ou bien « Pour qui allons-nous voter ? »)

/ Apéros et rencontres

Les deux questions peuvent sembler éloignées, mais la projection du film WhyWeCycle le 23 mai qui épate l’utilisation du vélo aux Pays-Bas convainc de la nécessité de ce rapprochement. D’abord, un grand merci aux bénévoles de l’association La Ville à Vélo qui ont organisé cet événement. Le documentaire illustre parfaitement que la bicyclette n’est pas qu’un simple moyen de transport, c’est aussi un formidable levier de transformation des sociétés. Il n’est pas aisé de résumer en quelques mots tous les bénéfices abordés lors de cette projection mais citons brièvement les avantages économiques, sociétaux, cognitifs, physiques, humains de cette pratique. Au-delà de l’éloge, le film pose une question essentielle :

À quoi une ville doit-elle servir ? Doit-elle être une structure qui permet à des individus de venir y travailler et faire leurs courses (en voiture ?) ? Ou doit-elle être organisée et conçue afin que les humains puissent y développer des interactions qui favorisent leur épanouissement ?

Une question fondamentale autour de laquelle les participants au ciné-débat ont dialogué. Animé par Florent Deligia, journaliste à Lyon Capitale, ce débat à l’issue de la projection a réuni : Fabien Bagnon, coprésident de La Ville à Vélo ; Etienne Blanc, premier vice-président de la région Auvergne-Rhône-Alpes ; Christophe Geourjon, élu de la ville de Lyon ; Alain Giordano, adjoint au maire de Lyon ; David Kimelfeld, président de la métropole de Lyon ; et Béatrice Vessiller, vice-présidente de la métropole de Lyon. Dans une atmosphère courtoise et détendue les questions de Florent Deligia ont rythmé les échanges et si tous les intervenants ont semblé convaincus des innombrables bénéfices offerts par les déplacement à vélo, les réponses invitent à réfléchir. En voici un rapide survol : Pour Christophe Geourjon il faut réaliser un « RER » à la lyonnaise afin de fédérer les différents modes de déplacements collectifs de la métropole. Sans oublier le covoiturage et les parking-relais pour “enfin ralentir la vitesse automobile et éviter de cloisonner les différents modes de déplacement.”

Côté Étienne Blanc, le numérique doit être mis au service du vélo et la circulation automobile réduite en enfouissant les véhicules aux entrées de l’agglomération. Il reprend également l’idée d’un « RER » doublée d’une meilleure utilisation du réseau ferroviaire.  

Selon Alain Giordano “il est nécessaire de réaliser des études pour avoir des données chiffrées sur les bénéfices du vélo.” Et d’ajouter : “Il faut aussi penser aux piétons et supprimer une place de stationnement sur quatre pour planter un arbre.”  David Kimelfeld, quant à lui, met en exergue le besoin d’élargir certaines pistes cyclables, de créer un maillage cyclable en interurbain et périurbain et de se battre pour des projets comme celui du Cours d’Herbouville. Président de la Métropole évoque également la piétonisation de la Presqu’île.

Enfin pour Béatrice Vessiller, il est nécessaire de résoudre les problèmes de traversée des ponts, d’offrir du stationnement vélo et de développer des itinéraires cyclables sécurisés. “Pour améliorer la qualité de l’air de nouvelles autoroutes urbaines, comme le projet de bouclage du périphérique lyonnais, ne doivent plus voir le jour” renchérit la vice-présidente de la Métropole.

Que retenir de ces échanges ? La réponse n’est pas simple. Si le débat était assez consensuel, force est de constater que les propositions des candidats aux élections municipales et métropolitaines ne sont pas entièrement convaincantes. Citons l’exemple de la dépose des enfants devant les écoles en voiture. Que faire pour éviter cela ? L’idée du pédibus émise par Alain Giordano est pertinente, mais est-ce vraiment suffisant ? Ne faut-il pas améliorer les conditions d’accès aux écoles pour les parents qui souhaitent transporter leurs enfants à vélo ? Quant au projet de l’Anneau des Sciences David Kimelfeld explique qu’il a déjà lancé de nombreuses actions pour améliorer la qualité de l’air (ZFE, prime bois, éco-rénovation). Mais quelle est la signification exacte d’une injonction à « rester humble » dans ce domaine ? Pourquoi ne pas prendre position plus clairement sur ce sujet ? Laurent Peiser, élu du 3e arrondissement, pour sa part, évoque la problématique de gérer les 650 000 automobilistes qui entrent et sortent de Lyon chaque jour. Selon Etienne Blanc “l’Etat ne finance pas suffisamment le développement des infrastructures nécessaires”. N’est-ce pas une façon d’éluder la question ? Sur ce sujet, Béatrice Vessiller souligne le caractère peu coûteux des aménagements cyclables au regard des sommes englouties dans les projets routiers. Sans doute les budgets nécessaires pourraient être facilement trouvés par la Métropole.

Vu l’urgence des enjeux actuels liés aux déplacements, aux mobilités et à la qualité de l’air, des réponses certes consensuelles mais encore très timorées sont-elles suffisantes ? Dans leur grande majorité les élus sont encore convaincus qu’une métropole c’est d’abord un système qui doit permettre aux habitants de venir y travailler ou y faire leurs courses… Cette approche n’est-elle pas réductrice, ne passe-t-elle pas à côté des espoirs que le film WhyWeCycle soulève en termes de lien social, de dynamique urbaine et de convivialité ? Espérons que des propositions plus sérieuses, plus concrètes et surtout clairement financées seront rapidement au cœur du débat public. Rendez-vous est déjà donné pour le prochain épisode « vélo et élections » en octobre 2019.