Suite au meurtre de Paul Varry, cycliste parisien mortellement renversé le 15 octobre 2024 par un automobiliste sur une piste cyclable, le Ministre des Transports a chargé Emmanuel Barbe d’une mission, qui a conduit à ce rapport sur les violences motorisées.
Le rapport, publié fin avril, formule 40 recommandations dont 18 sont jugées prioritaires. Malgré le contexte actuel de désintérêt politique pour le développement du vélo, ce rapport est globalement positif, certaines des recommandations sont tout à fait pertinentes, d’autres nous interrogent.
- Le permis de conduire : Le rapport suggère d’augmenter la part des questions relatives au partage de la voirie et à l’empathie, d’adopter l’ouverture de portière « à la hollandaise », et aussi de mieux former les moniteurs d’auto-école (avec une formation continue obligatoire).
- Les conditions et règles de circulation : Le rapport recommande de rendre obligatoire la définition d’au moins une zone 30 dans chaque agglomération et de modifier la règle du dépassement en prévoyant que, sur une route disposant d’au moins deux voies, les automobilistes doivent franchir complètement la ligne médiane avec les quatre roues pour dépasser les cyclistes. Il suggère aussi d’accompagner les amendes et les stages de récupération de points de QR code rappelant les règles du partage de la rue. Malheureusement, il n’apporte aucune avancée sur la question des multirécidivistes (pas de préconisation de mise en fourrière immédiate du véhicule ou de retrait du permis de conduire, pas de rétablissement du retrait de points pour les « petits » excès de vitesse).
- La verbalisation des infractions des cyclistes : Dans le but de verbaliser davantage les cyclistes, le rapport suggère de créer des infractions qui leur sont spécifiques, avec des amendes minorées. Rappelons que la mission a été créée suite au meurtre d’un cycliste par un automobiliste empruntant une piste cyclable : pourquoi en profiter pour plus verbaliser les cyclistes ? Cela ouvre également la voie à un backlash envers les cyclistes, qui bénéficieraient d’une réglementation prétendument plus avantageuse.
- Par ailleurs, il demande d’étudier la possibilité l’instaurer des limitations de vitesse spécifiques sur les pistes cyclables : cela nous semble viser à pénaliser les cyclistes plutôt que de chercher à retirer de la circulation les EDPM et vélos débridés.
- Toujours pour plus verbaliser les cyclistes, il propose d’étudier l’immatriculation des vélos utilisés pour les livraisons : le risque est ici de stigmatiser les livreurs qui sont le plus souvent dans les conditions de vie précaires, et de créer des typologies de vélos suivant l’usage qui en est fait.
- La formation et l’information : le rapport suggère d’évaluer le « Savoir Rouler à Vélo », qui devrait être enseigné à l’ensemble des élèves du cycle 3 et… de distribuer des QR code pour informer les acheteurs de vélos des évolutions du Code de la route. Attention, il propose de diminuer le temps de formation des intervenants, dans le seul but de faciliter l’organisation de ces formations. Et ces QR code serviront-ils vraiment à quelque chose ?
- La publicité autour des véhicules : Le rapport recommande de saisir l’autorité de régulation des professionnels de la publicité (ARPP) pour garantir la présence d’un contexte d’usage de la voiture plus représentatif des conditions réelles d’utilisation et notamment de la nécessaire présence et cohabitation de différents usagers de la route. Cette recommandation ne va pas assez loin : il faut modifier l’imaginaire au volant, et en particulier celui des hommes, pour que la voiture ne soit plus un moyen d’exprimer sa surpuissance.
- La signalisation volontaire des cyclistes : Le rapport suggère d’étudier la faisabilité d’utiliser les applications de guidage pour partager en temps réel la position des cyclistes le souhaitant. Outre l’augmentation de la dépendance aux applications de guidage que cela engendre pour les automobilistes et les cyclistes, nous craignons que cela conduise à baisser la vigilance des automobilistes, et à rendre les cyclistes responsables en cas d’accident s’ils ne se sont pas signalés, tout comme ils sont déjà pointés du doigt en cas d’accident s’ils ne portent pas de casque.
- La voirie et les aménagements cyclables : Le rapport suggère de rappeler l’obligation faite aux collectivités de mettre au point des itinéraires cyclables lors de l’élaboration des documents de planification (PLU, schémas de cohérence territoriale etc.) et d’introduire dans le Code de l’environnement une obligation de mettre au point un aménagement cyclable en cas de création ou de rénovation d’une voie interurbaine, éventuellement en créant ou signalisant des itinéraires alternatifs. Il recommande également, avec l’appui du CEREMA d’établir des normes visant à harmoniser la conception des aménagements cyclables.
- Le rapport n’aborde pas la questions des dispositifs anti-angles morts des véhicules lourds, si ce n’est pour dire que leur installation obligatoire génèreraient des coûts trop importants.