La Ville à Vélo se porte partie civile

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Le contexte

Le 5 mai 2024, N*, un cycliste adhérent de La Ville à Vélo, s’est fait agresser par un automobiliste à qui il demandait de ne pas s’arrêter sur un sas vélo. Suite à son dépôt de plainte avec constitution de partie civile, La Ville à Vélo s’est à son tour portée partie civile dans cette affaire.

L’audience

Un matin de décembre 2024, nous sommes au Palais de Justice rue de Bonnel, Lyon 3°, pour l’audience préliminaire de l’automobiliste prévenu dans le cadre de l’affaire d’agression du cycliste N* le 5 juin 2024 à Trion (Lyon 5°). La juge appelle le prévenu à la barre et commence par récapituler les faits, qui sont parfaitement explicites puisque retranscrits dans la vidéo transmise par la victime, N* (qui circule équipé d’une GoPro).

Lundi 5 mai dernier, 17h36, N* circule à vélo sur le secteur Trion (Lyon 5°). 17h37, un échange apparemment anodin s’entame au feu tricolore avec un automobiliste. 17h39, le conducteur, en furie, percute N* volontairement et le traîne à terre. Face aux interventions des passants, il brandit une carte de police (en fait, d’élève-policier) vociférant : « Mais vous les cyclistes, vous rendez fou tout le monde ».

Avant de laisser la parole au prévenu, la juge rappelle le contexte sensible dans lequel intervient cette affaire, celui de l’homicide de Paul Varry survenu à Paris le 19 octobre dernier – la procureure de la République soulignera elle aussi la montée des tensions et la difficile cohabitation des usagers sur les routes. Elle souligne par ailleurs le caractère répété de l’agression, qui, durant 14 minutes, mêle insultes et violences physiques multiples ; témoignant de l’incapacité patente du prévenu à se contrôler, se ressaisir, puisqu’à plusieurs reprises ce dernier retourne dans son véhicule pour en ressortir aussitôt.

A la barre (comme précédemment lors de l’enquête policière), l’automobiliste reconnaît les faits : « j’ai pété un plomb, simplement ». Il tente d’expliquer les raisons de cet accès de violence, évoquant fatigue, difficultés psychologiques liées à la perte d’un proche, et enfin un supposé « sourire narquois » que la victime, N*, lui aurait lancé au moment de le remercier. La juge est interloquée, soulignant que ce supposé « sourire narquois », assez factice si l’on s’en tient à la vidéo, ne justifie en rien le comportement du prévenu, qui, élève-policier, serait été du reste fort souvent confronté dans l’exercice de ses futures fonctions à des citoyens autrement moins courtois que la victime. 

La juge demande à N* s’il souhaite prendre la parole ; la victime se lève et précise qu’elle ne souhaite aucun mal au prévenu. N* ajoute que cette agression n’est pas la première, raison pour laquelle il porte une caméra GoPro ; qu’il voit monter cette tendance à la déshumanisation des cyclistes, devenus petit-à-petit les boucs émissaires des tensions sociales. Il rappelle la vulnérabilité des usagers du 2 roues, qui ne « font pas le poids » face à des automobilistes dont les véhicules peuvent devenir, volontairement ou non, des armes par destination.

L’automobiliste reprend alors la parole, et précise à nouveau qu’il regrette ses actes ; qu’il n’a pas voulu fuir la scène mais simplement se garer pour pouvoir, espérait-il, discuter avec la victime, N* ; qu’il n’a pas voulu écraser la victime, N* (la vidéo montrant une accélération au-devant de la victime, projetant cette dernière sur le capot), prétextant un défaut de frein à main du véhicule (NDLR : à ce niveau de la rue, la pente est très faible et il est impossible, vue l’accélération visible dans la vidéo, que le mouvement du véhicule soit dû à sa simple inertie) ; qu’il n’a « pas porté de coups » (NDLR : la vidéo montre l’agresseur projeter N* sur le trottoir et le traîner par terre) ; et enfin qu’il n’est « pas anti-vélo », n’a « pas de revendication politique ».

Le verdict

L’automobiliste a été reconnu coupable des faits reprochés et condamné à une amende pénale de 500 €. Il a également été condamné à verser la somme de 800 € à titre de dommages-intérêts à N* outre 700 € au titre des frais d’avocat.

Malheureusement, la demande de constitution de partie civile de La Ville à Vélo a été rejetée, notre objet social semblant trop large pour nous donner cette possibilité. Nous attendons les conclusions écrites pour décider de modifier (ou non) nos statuts pour que cela soit accepté pour une prochaine affaire.

……

* Dans les communications précédentes, la victime, qui souhaite rester anonyme, avait choisi un pseudonyme au destin malheureusement funeste, « Paul » ; par discrétion à l’endroit de Paul Varry, cycliste assassiné à Paris le 15 octobre 2024 par un automobiliste, nous l’appellerons dans cet article « N* ».